samedi 28 juin 2014

La piel que habito





Je n'essaierai pas de te présenter Almodovar. Parce que même si tu as autant de culture ciné que moi de culture foot -c'est à dire, aucune- tu as entendu parler de Pedro Almodovar, le plus connu de tous les esthètes espagnols.

Pedro, la machine à produire du cinéma d'auteur tous les deux ans.
Pedro et son répertoire prolifique, Pedro qui s'arrange toujours pour sortir son nouveau film pendant le festival de Cannes et de rafler une palme d'or ou autre...

Le grand Almodovar aime bien ce qui est sombre et torturé. Ça, on savait.
 
Brosser le portrait d'un bonheur échelonné, pour en percer la coquille couche par couche, et se glisser lentement le long de la faille, faire tomber une à une les certitudes, puis  insinuer le doute, le trouble, explorer les vicissitudes psychologiques des constructions sociales,  ça Pedro il sait faire, et il le fait bien.

Mais ce coup-ci... Ce coup-ci Pedro a fait fort.

Pedro s'essaye à l'épouvante. Et Pedro y reussit bien. Mais pas l'épouvante au sens Scream ou L'exhorciste. Non, tu n'auras pas peur devant La piel que habito, car ce n'est pas un film d'horreur. Mais je gage que tu seras épouvanté, et même perturbé, le jour suivant le visionnage de ce film.

On était plutôt habitués à ce que les films d'Almodovar parlent de femmes. La figure maternelle toute puissante, la plus jeune, leurs interactions, leurs constructions, leur limites.
Mais cette fois ci, c'est plutot des histoires d'hommes. Celle d'un homme, en particulier.

Roberto Ledgard (Anthonio Banderas. Bandeeeeraaas !), chirurgien plastique-esthétique confortablement installé sur les hautes marches de l'échelle sociale, jouit d'une bonne situation ainsi que d'une bonne réputation auprès de la communauté scientifique. Aussi, lorsqu'il présente son nouveau projet, la conception d'une nouvelle peau, plus résistante, greffable aux grands brûlés, la nouvelle est accueillie favorablement.

Sauf par ceux qui le connaissent.
Car Roberto ne fait pas partie de ceux qui s'encombrent de scrupules. D'ailleurs, en pénétrant dans sa chambre, on ne peut rater cet écran géant sur lequel cette jeune femme enchaine les positions de yoga, prisonnière quelquepart dans une pièce de la grande maison.








Dès les premières images, on sent qu'il se trame quelque chose. Esthétique aceptisée, corps graphiques marqués au bistouri, et puis cette femme, dans ce juste-au-corps, aux mouvement si gracieux. Le malaise ne te gagne pas, c'est juste intriguant, mais tout te dit qu'il y a un iceberg là dessous. Et bingo, c'est un peu ça.

On traite ici de la folie, de l'obsession, de la faiblesse, des rapports de forces et de vengeance, de ce qu'en pense la figure de la mère impuissante.

Tout est flou, accepté. L'effroi tient du fait que les horreurs sont déclamés de la manière la plus calme possible, comme si la situation était naturelle.

Bref, le charme opère. Comme à chaque fois.

Antonio Banderas - mais quelle classe, mais quel charisme-, tellement parfait dans ce rôle de l'homme trouble et sans limite qui dédia sa vie à la figure de la femme. De beaux yeux noirs, un regard profond, et la température augmente dans ton salon. Il te vient des envies d'Espagne. Caliente. Et si on se faisait une soirée tapas demain ? Et si on se prévoyait un ptit week end à Barcelone? Et si je lui arrachais tous ses vêtem... Bref.

Elena Anaya, visage inconnu chez nous les ptit frenchies, mériterait de l'être. Bravo pour son coté coulant, fragile, pour son interprétation parfaite de -SPOIL, j'ai pas le droit de le dire- et pour sa sensualité remarquable, qui lui ont valu le Prix Goya de la meilleure actrice 2012. J'adorerai habiter ta peau. 

Jan Cornet, si t'es pas traumatisé après ça... Tu peux te servir de ton prix Goya du meilleur espoir masculin 2012 pour pousser les autres acteurs et te faire un peu une place dans ce monde impitoyable.

Si tu le traduis à l'aide de tes deux notions d'espagnol, le titre te met sur la voie. "La piel que habito : la peau que j'habite. "

Alors, qui habite sous cette peau ?
Certainement pas qui tu croyais.

Bon boulot Almodovar. Tu l'as bien mérité la palme d'or 2011.
Moi j'ai juste adoré.

PS : Pedro avoue avoir puisé son film d'un livre, "Mygale", de Thierry Jonquet. A lire bientôt.

dimanche 16 février 2014

I, Frankenstein




C’est un soir d’hiver et de pluie, tu as passé une dure semaine,  tes potes sont pas très chauds pour aller voir le dernier Lars Von Tier, et ton mec te donne le choix entre plusieurs blockbusters américains ou ta soirée sur le canapé.


Soit.

Tu retrouves donc devant « I, Frankenstein ».
Disons que tu y vas plutôt gaiment, en mode décérébré,  car tu te doutes bien que ce n’est pas les fabulations de la théorie sociale cognitive qui vont t’être contées ce soir. 

Mais tu aurais tort de croire que I, Frankenstein vaut des clopinettes. En fait, il vaut un peu mieux que ça.

Bien sûr, il faut aimer le dark et les arbres morts gothiques, sinon tu peux passer ton chemin.

Frankenstein, donc, « La créature » si t’as assez de culture pour avoir suivi proprement l’œuvre de Mary Shelley, est l’aboutissement d’une expérience d’un savant fou mené sur 8 cadavres qui s’acharne à recréer la vie, et y réussi, mais pas comme il l’espérait. Du coup, horrifié par sa propre création, Frankenstein cherche à la détruire. Mais comme la créature accuse assez mal la trahison et se trouve être assez rancunière, elle décide de régler les comptes avec son créateur.  L’histoire finit dans un bain de sang et la créature se pense enfin libre de vivre sa vie. Evidemment, elle se trompe.
 Là, je t’ai raconté la première minute trente du film. 

Toute la trame de cette histoire repose sur autre chose. La créature, bien malgré elle, va se retrouver au cœur d’une guerre de convoitise entre les forces du bien et du mal.




Pour moi, l’originalité de ce film relève du fait que La créature ainsi que ses ennemis, traversent les âges. Ben oui, ce sont des choses qui arrivent, quand on est plutôt immortels. 

Si comme moi tu raffoles des bonnes grosses scènes de combat avec des putain de bons effets spéciaux, tu vas être servi. Le budget est mis là-dedans (et dans les décors), ce qui est précisément ce qu’on attend de ce genre de films. Alors enfonce toi bien dans ton siège et savoure ce déluge de beau graphismes bien darks. 

Mais n’attends pas trop du scénario. Tu auras quelques surprises par ci, par là, mais globalement, ça se goupille assez mal et c’est plutôt bateau.

Puis faut dire ce qui est, les guerriers de «l’ordre de la gargouille », ça fait pas très sérieux.


Niveau design on est plutôt bons. Les costumes sont parfait, la richesse des armes utilisées, géniale. Agilité, sourire pervers, sérénité, les persos sont très crédibles.

Mais pitié, cette sale tête de démon en silicone, ça fait un effet très "Dark Crystal" (1982, les gars...). Pourquoi, encore aujourd'hui, pour représenter les serviteurs de Satan, on utilise encore l'imagerie du 18ème siècle ? Il serait tant d'innover, un peu. 
 
Au niveau du design des ennemis, les gargouilles, au début tu as beaucoup envie de rire, surtout si comme moi tu as grandi dans les années 90, il te vient forcément en tête le dessin animé Les gargoyles. Mais ça reste très crédible et majestueux, un peu à l'image qu'on se fait des archanges. Le design des visages aurait juste gagné à se maquer d'un peu plus de finesse.

 Au casting, tu pourras trouver 2-3 petites têtes connues.

Aaron Eckart, la touche beau gosse du Frankenstein, très crédible dans son rôle de gentil aux yeux méchants (au début j’ai cru que c’était Michael Fassbender)

Miranda Otto (Eowyn dans le Seigneur des Anneaux), dans le rôle de la très bleue reine des gargouilles très bien coiffée.

Mais surtout Bill Nighty (Good morning england, Harry Potter, Underworld, Petits meurtres à l’anglaise), monument du cinéma anglais dont la charismatique sale petite tête de fouine n’inspire que si peu la confiance.

Je pense que les créateurs du film ambitionnent une deuxième partie au volet I, Frankenstein. L’avenir nous dira s’ils seront entendus.

En attendant, I, Frankenstein c’était mieux que Hansel  & Gretel, witch hunters, c’est beau visuellement, le générique de fin est à tomber, mais même si sur le moment tu passes justement un bon moment, le lendemain tu l’auras sans doute déjà oublié. Dommage.


samedi 8 février 2014

Quand Jane Campion pète un câble, on lui remet la palme d’or et 3 oscars. Narmol.









Aujourd'hui je m'en vais te parler gaiement de La leçon de piano, petit film raz de marée des années 90 très apprécié de la critique et du grand public, mais pas de moi.

A priori pourtant, tous les ingrédients étaient réunis pour de la tuerie cinématographique. Jane avait choisi de positionner son film au beau milieu du 19ème siècle. Bon choix, Jane. J’adore cette époque de lacets, de rubans, de robes et de chapeaux. Dans le mile au beau milieu de cette élégance sombre et victorienne, tu places une jeune veuve écossaise (ça part vraiment bien) avec sa fille en route pour la Nouvelle Zélande, au beau milieu des arbres et de la boue, parfait pour les bottines en cuir et les grandes robes en dentelle.

La terre des maoris plutôt récemment colonisée, on cherche à peupler les lieux à forte dose d’ethnicides (un peu comme ce qui se fait au Tibet actuellement) et les vieux mecs qui ont gagné leur life à la sueur de leur front chez les kiwis se doivent de se marier proprement, pas avec une autochtone donc, et comme leur sort ne séduit pas trop la haute société londonienne, il ne leur reste plus qu’à se contenter des meufs chelous à épouser.  

Dans le cas présent, celle qui arrive par bateau est genre plutôt muette en fait, parfait pour la communication. 

Stewart le bourru gentleman voit donc débarquer sa future femme avec ses valises et un piano. Merde alors, elle a pas trop compris la notion de jungle. Et elle a pas idée de la merde dans laquelle elle a accepté de se fourrer, au passage.

Parce que son futur mari ordonne que le piano soit laissé sur le rivage. Or, pour Ada, que la vie a accablé du châtiment du silence, le piano, c’est sa seule manière d’exister vraiment, sa seule manière de s’exprimer. Alors non non, elle ne se laissera pas faire. Elle fera chier le monde jusqu’à plus soif pour récupérer son piano. 

Un des sous-fifres de son mari, un brave gars en manque de sexe, comprend vite les subtilités de la situation et décide d’en tirer parti. Il se récupère le piano, pour lui tout seul. Et comme Ada est bouleversée par ce vol, il lui propose un marché. Vends-moi ton corps avec des leçons de piano. Récupère-le, touche par touche. 

3 oscars les gars. La palme d’or et des golden globes. Non, mais ALLO quoi ?!!!
Une pauvre meuf tente tant bien que mal de se défendre face aux brimades que Jane Campion a placé dans son existence. Elle jongle entre deux tarrés. L’un, plus rustre et macho tu meurs, qui la considère comme un personnage mineur faire valoir de sa virilité dans son mariage, et l’autre, un deuxième tyran qui la viole grâce à un chantage pervers auquel elle est obligée de céder.

Et vous osez appeler ça une histoire d’amour ? Ok non, c’est pas possible là. Ada se contente de ce qu’elle a. La peste ou le choléra. Elle se force. Elle apprend à aimer après s’être forcée. C’est magique un peu, comme histoire d’amour.

Mais tout ça c’est encore acceptable jusqu’à ce que Jane Campion pète un câble.

SPOILERS.

Spoiler:
{Il lui coupe un doigt. Il lui coupe un doigt. Je répète : IL LUI COUPE UN DOIGT. Avec une hache. Sous les yeux de sa fille. Parce qu’elle n’a pas fait ce qu’il voulait. Alors déjà, IL LUI COUPE UN DOIGT. En plus, IL COUPE UN DOIGT A UNE MUETTE. Et pour finir IL COUPE UN DOIGT A UNE MUETTE QUI AVAIT BESOIN DE SES DOIGTS POUR JOUER DU PIANO PARCE QUIL LUI RESTAIT PLUS QUE CA.}

PARFAIT. MAGIQUE.

Alors moi je me demande personnellement quel est le vrai problème dans la vie de Jane Campion. Non parce que pour pondre des films comme ça, il faut quand même être sacrément perturbée. 

Tu te rappelles de Sam Neill, le gentil dans Jurassirc Parc qui voulait sauver tout le monde ?. Regarde la leçon de piano. Tu le verras plus jamais de la même façon. 

Bien sûr Holly Hunter mérite tous les prix qu’elle a raflé en France et à l’étranger pour sa prestation impressionnante dans ce film. Mais non, ça ne suffit pas.

Ok, visuellement, c’est très beau. Beaucoup de qualité et de poésie Jane, dans tes plans vidéos, mais non. 

Non, non, c’est pas possible. Oscarisée, en plus. Non, non.  

Pourtant, pour tout le monde à part moi, ça a l’air de passer très bien. Je comprends pas. Expliquez-moi.




Dans une veine un peu similaire, Jane a réalisé Bright Star en 2009. Même époque, même fille brune, même esthétique de l’image.

En fait Bright Star c’est un peu la même chose en plus doux. Genre 15 ans plus tard, Jane Campion s’est calmée, plus besoin de torturer son personnage physiquement. Psychologiquement, ça suffira. Frustrons-la, plutôt. Jusqu’à la faire devenir folle. Faisons-la toucher du doigt le bonheur pour lequel elle se tordait depuis plus d’une heure et demie et puis… non. Non, non c’est bon, on lui retire.

A noter : toujours une petite fille très présente dans les ambiances de Jane Campion. Innocente et volubile, elle accable le spectateur de ses enfantillages exubérants et donne franchement envie de la tarter. Je sais pas si c’est une projection personnelle, mais si c’est le cas Jane, tu as tellement du te faire cogner pour abus de nerfs que je comprends mieux tes troubles actuels.

Je me trouvais névrosée jusqu’à ce que je vois La leçon de piano. Mais en fait non, je suis plutôt équilibrée et c’est toi qui a un problème Jane. 

Je trouve effroyable cette manière de jongler entre la mièvrerie, la cruauté, et la délectation à s’en complaire. 

Je ne comprends pas le plaisir que tu prends à systématiquement salir l’innocence dans tes films, à tordre l’horizon plein d’espoir de tes personnages, à leur maximiser le poids de la culpabilité. A fabriquer des drames dont il est impossible de se relever.

Tu veux en venir où, Jane ? 

La vie c’est nul et on est tous nés pour souffrir ?
Genre regarde, regarde, tout est beau, je me remonte les manches, je m’active et je suis pleine d’espoir. Je n’ai juste pas remarqué que l’épée de Damoclès que j’avais sur la tête depuis ma naissance est en train de s’alourdir et que j’ignore tout du fait que je vais bientôt me faire accabler, torturer, et teinter de noir opaque l’horizon de mon existence. Quand je le découvre, c’est trop tard. Je suis morte à l’intérieur et c’est irréversible. Parce qu’au fond, c’est ça grandir, c’est ça le sens de la vie : se voir lentement s’éteindre sous le poids des assauts de la vie.

Merci, Jane. Non, vraiment. Merci beaucoup pour tes observations, tes conclusions, et ton message d’espoir. 

Prends ta figurine oscarisée, fais toi couler un lingot et paye toi des séances de psy.

Ou bien, tu peux aussi de te marier séance tenante avec Jason Reitman. Vous iriez bien ensemble. Deux sadiques qui prennent plaisir à affliger la totale à leurs personnages. Même si chez Jason la cruauté, c’est plus subtil et redoutable, comme le plus tranchant des  points finals. 

Prends-en de la graine, Jane.
Tu m’as fait froid dans le dos avec ta leçon de piano. 

dimanche 2 février 2014

To Rome with love






 Dans le petit monde merveilleux des cinéphiles se trame depuis plus de trente ans une inépuisable joute entre deux clans belliqueux : les anti-Woody Allen et les pro-Woody Allen.
Je dois te prévenir, sans faire partie des fangirls de la première heure qui s’épuisent à planter la tente devant le ciné la veille de la sortie de son dernier film, je trouve, mais ce n’est qu’un avis personnel, qu’il reste encore un peu d’espoir pour l’humanité quand on considère qu’une grande peuplade de gens dans ce monde est réceptif au génie créatif de Woody Allen. 

Ouais, ouais j’ai adoré Vicky Christina Barcelona et j’ai été à deux doigts d’oser la standing ovation pour Minuit à Paris. (Mais je te déconseille de perdre ton temps avec Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, c’est une daube).


Moi je trouve vachement cool et plutôt romantique le fait qu’un amerloc, un géant d’hollywood qui brasse des millions, puisse être sensible à l’atmosphère et aux charmes des grandes villes du vieux continent au point de choisir de s’atteler à pondre une série de films-déclaration d’amour aux capitales de notre chère Europe. 

Du coup voilà, après avoir fait le tour de Barcelone et de Paris, Woody Allen s’attaque à Rome.
Chouette ! Je connais Rome. J’y suis allée quand j’avais 13 ans avec ma classe de latin. Ok… ça date. Mais j’ai une très bonne mémoire photographique. 

La première demi heure d’un Woody Allen en général tu te fais chier comme un rat mort. C’est qui tous ces persos, pourquoi ils sont là, leur vie elle est nulle, à quel moment il va y avoir un fil conducteur entre tout ça ? Patience. Attends un peu que l’intrigue se lance, et ça va devenir cool. (Sauf dans Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. Tu attends, et ça vient jamais.)

Dans To Rome with love, le film s’ouvre avec un agent de police qui te promet monts et merveilles, il connait si bien Rome et toute la journée il voit tous ces gens. Alors oui, ça c’est sur, il va bien te la présenter, la Rome. Ben, non. Perdu. L’histoire se trame autour de la touriste américaine qui rencontre un bel italien, du jeune architecte qui doit se farcir la présence de la pote de sa copine, du M. moyen qui se fait taper dessus toute la journée à la Walter Mitty, et du jeune couple de provinciaux qui débarque s’installer dans la capitale. 

Pas très folichon tout ça. Et pourtant…  Dans Rome with love les respectables tombent dans le vice, les raisonnables cèdent à leur pulsions, les réparties sont cinglantes, les situations encombrantes, les virages à droite ou à gauche inattendus, la psychologie des persos très subtile et Roberto Benigni fait beaucoup rire. 

Ce qui surprend, à mes yeux, dans ce Woody Allen comme dans un autre, c’est toujours un peu le choix du casting. Des têtes très connues à côté de têtes inconnues, des acteurs qui tombent un peu comme un cheveu sur la soupe (Alec Baldwin ??) et même le choix pour Woody de se mettre en scène en tant qu’acteur.
Et oui, Woody se plonge dans un rôle miroir de sa propre personne, incarnant un homme presque à la retraite marié à une psy pour noyer ses névroses, incapable de se défaire de ses années créatrices en tant que metteur en scène, quitte à faire chier tout le monde et à bousculer les mentalités. (BIG UP pour les scènes d’opéra PAR-FAITES avec le mec des pompes funèbres à la voix de ténor incapable de chanter ailleurs que sous sa douche).

Ellen Page (bah, qu’est-ce qu’elle fait là ?!) dont la prestation marche en binôme avec celle d’Alec Baldwin, ne manque pas de savoir-faire dans son personnage colombe et juvénile aussi redoutable pour les hommes que les débords de la femme fatale. Baldwin, dans sa figuration WTF de la voix de la raison se montre étrangement vulgaire là où il aurait pu se la jouer sage et paternel.

Jesse Eisenberg , qui semble abonné aux rôles de ptit jeune de la loose qui manque de confiance en lui, s’en tire bien dans un rôle similaire une fois de plus.

Penelope Cruz, dans son rôle de poufiasse sait si bien manier sa présence à l’écran qu’elle parvient miraculeusement à ne pas déborder de son second rôle, chapeau bas.

Mais, mais, mais… Mension spéciale faite à Roberto Benigni ! Son jeu d’acteur incroyable, en équilibre entre le charisme, l’homme touchant et le teubé fait de lui l’acteur le plus grandiloquent du cinéma moderne, l’ambassadeur à lui tout seul de l’Italie, que chaque personne normalement constituée ne peut que saluer.

Evidemment le personnage principal de ce casting reste Rome et cool, j’ai vraiment une bonne mémoire photographique. La fontaine de Trévi, le Capitole, la piazza di Spagna, et toutes ses petites rues si caractéristiques. La vue sur le forum antique, La villa Borghese et la.  Mais sans les touristes hein, et sans les vendeurs à la sauvette à la recherche du touriste. Woody Allen aurait vidé Rome à sa convenance le temps d’un tournage ? Ce serait ça, le pouvoir des gens d’hollywood ? Non parce que si oui, je m’y mets tout de suite.

Aller, viens. Accepte l’invitation. Remémoire-toi les vacances d’été en Italie ou prépares-toi y pour l’année prochaine. Parce que Rome c’est tellement … Tellement la coolitude. Un voyage à vivre absolument une fois dans ta vie. Mais en attendant, tu peux toujours t’imprégner de l’ambiance construite de Woody, elle est parfaitement fidèle aux réalités de la ville.   

Bref, je ne saurais que te conseiller ce film, même si tu kiffes pas Woody Allen, ne serait-ce que pour te donner envie de réserver ton billet pour l’Italie, de rire à gorge déployée pour quelques scènes, de réfléchir un peu sur les méandres de l’esprit humain, mais surtout, surtout, pour la sagesse très décalée de ce dicton :

« Je vous l’avais dit monsieur. Oui, parfois la vie peut être très cruelle et ne donne aucune satisfaction, qu’on soit riche et célèbre ou misérable et inconnu. Mais s’il faut choisir absolument entre les deux, être riche et célèbre c’est le mieux. Au revoir, monsieur. »

Moi…  j’adhère !

Ma note : 2,9/5

mercredi 8 janvier 2014

La vie rêvée de Walter Mitty.


Walter Mitty se serait un peu toi et moi dans notre quarantaine exhubérante. En proie à une petite vie bien rangée parfaitement aplanie par les rouages de la routine, genre j'aî un emploi stable, je tiens mes comptes régulièrement, et je fais tout bien comme il faut. Seulement voilà, Walter Mitty a parfois l'impression d'avoir raté quelque chose, à un moment de sa vie, sans trop savoir lequel.

Walter Mitty n'a pas de femme, pas d'enfant, pas même de copine. Juste une mère dont il faut gérer la mise en maison de retraite. Alors voilà, les jours se ressemblent et se succèdent, mais ce n'est pas si grave.

Walter Mitty s'excuse tout le temps et ne s'emporte jamais. Walter Mitty ne sait pas dire non. Quand ses émotions s'ampilent, Walter Mitty se "déconnecte". Il bascule au coeur d'un univers intérieur hautement plus actif, plus volcanique, à l'image de ses désirs les plus spontanés.
Mais là haut, dans les sommets de ses idéaux, Walter Mitty qui, tel qu'il le rêve, ne peut exister, finit toujours par redescendre dans l'âpre monde de la réalité. Et cette année, plus que jamais, rien ne va plus dans la réalité. Alors...

Walter Mitty en a marre. Walter Mitty pete un cable. Walter Mitty saisit son âme. Walter Mitty respire un bon coup : Walter Mitty va enfin oser.

Et toi, petit spectateur, te voici projetté au coeur de la traversée la plus folle de son existence, au cours de laquelle il espère retrouver le négatif 25 ainsi qu'une partie de son lui qu'il s'était laissé dérober toutes ces années. 





Ne me mens pas. Tu ne peux PAS me dire que tu ne te reconnais pas dans ce personnage de M. Tout-le-monde qu'est Walter Mitty. Personne sur terre ne peut échapper à toutes ces petites looses du quotidien, à ce sentiment que le controle de sa vie nous échappe, à ces doutes existenciels qui jalonnent le parcours de son existence.

Si tu es dans les années de la vingtaine comme moi, tu as peut-être peur toi aussi de perdre de vue tes objectifs, ton feu sacré, au fil de ces années qui passent tellement vite. Tu as peut-être peur toi aussi d'avoir la sensation d'ouvrir d'un coup les yeux et de se contempler la quarantaine galopante dans un miroir, avec l'horrible impression que vingt ans se sont passés en vingt secondes et que tu as laissé ta vie dériver vers un charmant fiasco que tu ne pourras plus jamais réparer.

Ben Stiller, aux commandes de ce film, s'est inspiré de la culture littéraire anglo-saxonne. Et oui, chez nos amis des States, un Walter Mitty c'est un peu un rêveur de base sans trop d'avenir qui ne triomphe jamais des défis de la vie et préfère se peletonner dans son intériorité fantaisiste. L'amérique semble n'avoir que du mépris pour les Walter Mitties. Le terme vient de la plume de James Thurber, et si tu veux trouver des informations sur cette nouvelle je te souhaite bon courage parce qu'elle date de 1939, imprimée dans le New Yorker puis publiée sous le nom de My World and Welcome to It, alias La vie secrète de Walter Mitty, éditée une fois en France, puis à jamais disparue du petit monde de l'édition, bref en un mot, absolument inconnue de nous, les ptits frenchies.

QQn a eu l'idée d'en faire un film en 1947, et s'est largement éloigné du propos initial du roman, tout comme l'adaptation de Ben Stiller dérive complètement de ce qu'avait ficelé James Thurber.
Mais je dois te dire, sans déconner. Bravo Ben Stiller. Non parce que ce personnage des années seconde guerre mondiale, tu as largement su le transposer dans notre frustrant quotidien parsemé des enjeux contraignants du 21ème siècle. 

Walter Mitty c'est un miroir de notre nous-même. Un puis de toutes nos hésitations, nos aspirations, nos frustrations, nos déceptions, nos questionnements, nos doutes. Un parangon social, un peu comme un  bouquin de développement personnel qui nous indiquerait volontiers la marche à suivre.
Car Walter Mitty s'ouvre, s'affronte et n'a plus peur. Plus peur de vivre, plus peur de dénoter, plus peur de s'épanouir et d'oser peut être le plus grand défi de notre temps : être soi-même.






Ben Stiller a trouvé pour son interprétation dans ce film un bon dosage. Tour à tour sérieux puis drôle, et touchant, je pose pour la première fois un regard charmé, interessé, curieux sur le bouffon de Mon beau père et moi et la La nuit au musée. Une nouvelle corde à son arc, une nouvelle étiquette à pourvoir. En tant qu'acteur aussi, Congratz, Ben Stiller.

Sean Penn, pilier central de l'histoire autour de qui le parcours de Walter Mitty se noue, incarne un extraordinaire personnage hors du temps, estète parmis les hommes, au mode de vie incroyable, interprêté avec beaucoup prestance, à l'image du charisme inébranlable de l'acteur. 
Adam Scott, acteur américain peu connu dont le répertoire est pourtant jalonné de nombreux films , signe peut être ici son accès vers la renommée tant son interprétation du patron requin hipster pourrit jusqu'à la moelle se fait remarquable.

Kristen Wiig, visage connu mais on ne sait pas trop d'où, peut se vanter de crever l'écran dans ce film. Tellement jolie, attachante, débordante de gentillesse. Si j'étais un mec, je la voudrais tellement, cette Cheryl Mellof, pour ce coté pétillant, aventureux, comme si les contours de l'existence étaient touchables du doigt aux cotés d'une femme de son calibre. Bon en tant que fille, je sais que ce personnage n'est qu'une projection peu réaliste des idéaux d'un homme chez une femme, car Cheryl Mellof en a franchement assez bavé dans sa vie pour ne jamais quitter ce sourire colgate et cet optimiste rayonnant.

Ben Stiller, ton film s'articule aussi autours d'une sacré réflexion érigée du monde professionel dans les années 2013-2014, héritière de cette fucking crise financière 2008 dont les pays occidentaux peinent encore à se relever. Et bravo pour ce portrait, tour à tour angoissant, puis rassurant, mais au font très réaliste de ce que peut nous apporter/causer, la vie de bureau. J'en ai à la fois tellement peur et tellement hâte.

Dès les premières scènes, tu donnes à ton film un sens du graphisme plutôt réussi, avec des apparition intempestives de typographies bien menées. Ah oui et tu as bien choisi ta typographie. Et tu sais ce qu'on dit, quand la typographie est bien choisie, le film est plutôt réussi. [mauvaise foi de graphiste, un jour, mauvaise foi de graphiste toujours.] Non vraiment, le petit coté artistique so fresh dans les prises de vue inattendues est très agréable.

A saluer, la bande son qui est franchement de qualité. Tu peux l'écouter sur deezer mais si tu n'en as rien à carrer n'as pas le temps, jette un coup d'oeil à cette petite perle musicale qui correspond à mon passage préféré.



Etonnement, je trouve la sauce américaine habituelle assez peu présente (pour mon plus grand bonheur) et l'originalité de l'histoire ainsi que du personnage très déconcertante. Dans ses moments de déconnexion Walter Mitty voit ses désirs hors de portée lui donner autant de plaisir que le frustrer. Même si je dois dire, que les désirs de Walter Mitty, empreints de gloire et d'héroïsme restent des désirs valoratifs principalement sur l'échelle sociale, un peu comme si son jardin intérieur manquait de richesse personnelle, uniquement fondé sur le prestige social. C'est aussi ce que j'aime dans sa quête et dans le message de Sean Penn : fuck off la pression sociale, ma vie je la dessine à l'ancre de mes propres désirs qui ont une couleur qui m'appartient personnellement.

Mais moi, ce qui m'a soufflée dans tout ça, c'est la force visuelle de ce film, avec la beauté de ses paysages à couper le souffle. L'effet que donnent ces images rares de destinations qu'on a pas l'habitude de voir sur les écrans ni ailleurs. Le rythme qui s'accelère, ce Walter Mitty qui se lance et se relève, c'est beau, la contemplation d'un moment qui compte. C'est fort et ça inspire, comme une déferlente d'énergie qui envahit ton corps et t'embarque, toi et tes atomes, à la recherche de tes limites, quelque part à l'autre bout du monde occidental.

Bref, la vie rêvée de Walter Mitty s'adresse à tout le monde, (même aux beaufs !) de par ce thème universel et sa manière artistique de l'aborder. Tu n'es pas obligé de te payer le luxe d'observer le pas de géant de Walter Mitty sur grand écran, tu peux aussi te mater ce film un dimanche soir sur ta télé avec une tasse de thé fumant, effet garanti sur ton lundi grisant.
 
Car tu ressors de ce film avec la gorge pleine d'une grande bouffée d'optimisme, avec la vive envie de tout plaquer, de tenter un truc de ouf, de balancer ton confort à la poubelle, de voyager putain, jusqu'aux confins du monde, de garder en tête que si c'est pas maintenant, tu ne la perds pas de vue, la perspective de ta future aventure extraordinaire.
 
Un charmant moment de cinéma qui aurait tendance à rester en tête. Un peu comme si Ben Stiller avait eu envie d'envoyer un message à tous les Walter Mitty du monde : Viens vivre tes rêves, là, maintenant, tout de suite, car il est temps.


Ma note : 3.8/5


Check la bande annonce :


vendredi 3 janvier 2014

La reine des neiges


Si comme moi toi aussi tu aimais les grandes histoires lorsque tu étais petit enfant naïf et volubile, tu connais sans doute celle de la Reine des Neiges, le plus connu des contes d'Andersen (mais ouiiii, tu connais les contes d'Andersen : Le vilain petit canard, Les cygnes sauvages, Le rossignol et l'empereur, La petite sirène, Le petit soldat de plomb ...). Quoi, tout ça ne te dit rien? Tu ne regardais pas les contes ruskov/danish sur canal J quand tu avais 8 ans ? Putain je suis désolée pour toi, tu as raté ton enfance.

Mais rassure-toi, Disney est là pour rattrapper les dégats. Disney participe à la propagation de la culture populaire. Merci Disney.

Dans la version d'Andersen, ce grand monsieur venu du froid danois qui au passage s'était fait pote avec Balzac et Dickens, la Reine des Neiges est une très belle femme au coeur dur et froid qui vit seule dans son palais d'hiver. Un beau jour, deux enfants sur un traineau échouent par hasard aux portes de sa forteresse de glace. La reine les fait entrer et les deux enfants émerveillés déambulent dans les magnificences du palais, jusqu'à ce que le petit garçon se prenne un éclat de glace droit dans le coeur. Bim son petit coeur. Il se dessèche, se glace, et s'éprend de la reine des neiges. Froid, distant et inanimé, iI devient son serviteur et la petite fille, chassée du palais, ne pourra compter que sur son traineau pour délivrer son ami du mal qui l'accable. 




Tu pourras trouver des tas de variantes à cette histoire. Certaines versions prétendent qu'elle était une sorcière, d'autres prétendent que les deux enfants étaient frères et soeurs, ou encore que c'est un éclat de miroir maudit que le petit garçon se prend dans le coeur. Bref, à boire et à manger.

Alors tant qu'à faire, Disney s'est dit -comme d'habitude- qu'il pourrait réinterpréter le tout à sa sauce. Du coup bim, TRANSFORMATION.

 Les deux personnages principaux sont des soeurs.

On sait pas pourquoi, on sait pas comment, mais l'ainée possède le formidable pouvoir de générer la neige et la glace depuis le délicat bout de ses doigts. Ce qui n'a pas l'air d'inquièter ses parents royaux le Tsar Nicolas II de Russie et sa femme Alexandra (transformés au besoin sous les noms de Souverrains d'Arandale, mais c'est vraiment des copies, hein)

Tout allait bien dans le meilleur des mondes jusqu'à ce que les pouvoirs d'Elsa, soeur ainée, blessent Anna, sa soeur cadette par accident au cours d'un jeu, poussant la future reine des neiges à s'isoler dans sa chambre durant des années, en proie à la peur, dépassée par l'ampleur de sa magie. Le sort s'acharnant sur leur tête, les parents meurent au cours d'un voyage d'affaire, ce qui propulse Elsa directement sur le trône. Et Anna dans la solitude la plus totale.


Ce qui surprend, chez la reine des neige, c'est qu'on a aucune idée d'où l'histoire va nous mener. Entre coups de théâtre et revirements de situations, je trouve la trame de l'histoire plutot bien réussie. Impossible de ne pas vouloir suivre Anna, qui tente le tout pour le tout pour ne pas rompre le lien qui l'unit à sa soeur. Me donnerait presque envie d'en avoir une moi, de soeur.


Parmis les personnages, je dois dire que la qualité est au rendez-vous.




Le prince Hans, bwrahhh une tartinade à lui tout seul de ce qui se fait à peu près de mieux en matière de beau gosse parfait prince charmant.




L'héroïne principale, Anna, débordante de spontanéité et particulièrement attachante entraine facilement le spectateur à sa suite. Dans la plus grande tradition classique Disney, princesse à problèmes existenciels qui prend son destin à bras le corps et met toute son énergie pour les résoudre, il est impossible de ne pas s'identifier à Anna, petite fille seule en mal de compagnie qui attend tout des choses, des gens, et se lance à la découverte de ce qu'est vraiment la vie. Big up pour ses répliques les plus marquantes "C'est le grand amour!!!".




Le pilier de l'histoire, la reine Elsa, pétrie de peur, de tristesse et de solitude, est impressionnante de charisme dès la première demi-heure. Impossible encore de ne pas s'identifier à la jeune fille forte et fragile qui a peur de souffrir et finit par prendre ses propres décisions dans le but de son épanouissement : se casser loin de tout le monde et vivre seule pour mieux se découvrir. Un petit air de méchanceté se glisse parfois dans ses expressions, ce qui rend son personnage franchement crédible et réussi.



L'intrépide Kristoff , le garçon bourru de la montagne au ventriloquisme éloquant lorsqu'il s'agit de faire parler son reine Swen (copier coller de Maximus le cheval de Raiponce) au cours de ses monologues intérieurs. Entre pointes d'humour, de bougonneries, de courage et de radinisme, Kristoff incarne la parfaite flopée d'atouts et de vice décelable chez l'homme en 2014, et  tout me dit que je pourrais croiser ce gars-là au coin de la rue tant son coté guy next door est envisageable hors écran, ce qui rend selon mes critères le personnage efficace.



Olaf le bonhomme de neige qui se veut l'élément humouristique central de l'histoire. Pari réussi notamment par l'absurdité de ses désirs. La douceur et la naiveté de son caractère en font un personnage attachant, cependant les contours du personnage manquent d'un petit quelque chose.


Mais la palme d'or à mes yeux revient à Oaken l'incroyable vendeur du chalet paumé tout en haut de la montagne. Juste PAR-FAIT. En plein dans le cliché, en plein dans la surprise du contrepied au cliché, en plein dans le mile. Oaken, inoubliable. Bravo encore, il mériterait un spin-off à lui tout seul, ce brave garçon.




Le bémol réside à mes yeux dans un foirage total du coté du charadesign. S'il est plutot réussi dans les personnages masculins, vous avez tous surement fait comme moi le parallèle entre la reine des neiges et Barbie au bal des douze princesses. Ou encore Barbie et le palais de diamant. Ou mieux Barbie coeur de princesse. Ou bien Barbie ... Bref vous l'aurez compris. Barbie, barbie, barbie. Ca saute aux yeux et c'est trop. Il y a quelque chose de genant dans le choix de cette référence. Immenses yeux de poupées, chevelure parfaite, nez minuscule et taille mannequin... Du cliché désarmant.
Pourtant, il y avait beaucoup de recherches en amont. Une grande influence de l'oeuvre de Mucha et de son épopée slave. Mais non, ça a fini par ressembler... à Barbie. Je comprends pas. 

 
Inutile de s'attarder sur le design des trolls. De la BD qui sentirait presque le Gaston Lagaff en puissance. Démodé, poussiereux, hideux. A jeter, désolée.

Et Olaf le bonhomme de neige. Caractère charmant, naif et attendrissant. Design difforme, rugueux . Contraste saisissant. Effet utile ? J'en suis loin d'être convaincue.

Si personne ne peut rester de glace face aux décors fascinants de ce film, je ne serais pas de celles qui diraient "c'était mieux avant", au temps où l'on n'avais pas besoin d'images de synthèse dans les dessins animés, parce que pour les décors, c'est faux. C'est bien mieux maintenant. C'est impressionnant, à couper le souffle, d'une minutie extrême, d'un relief epoustouflant. Oui les images de synthèse ont transfiguré le monde de l'animation, et oui c'est une très très bonne chose.







Mais j'aimerais pouvoir en dire autant des personnages. Or, non, je suis désolée, en 2014 on y est toujours pas. On ne sait toujours pas rendre l'être humain dans toute sa singularité à l'écran. L'aspect peau pêche encore sévèrement. La texture peau est indéfendable On dirait de la porcelaine, du carton, du tout ce que tu veux, mais pas de la peau. Et puis les tissus, parlons-en. Le pli des robes bouge tellement peu. Celui des capes laisse de marbre. Ca sent la modélisation numérique à plein nez. Ca sent le jeu vidéo. Eh ouais.




C'est indéniable. Ce qui nous donne des carences en animation, surtout dans les plans larges. Ouhlala, qu'est ce que tu es dure, me dira-t-on. Ben ouais, peut être. Mais moi j'ai grandi dans une époque où les Disney enchanteurs étaient faits de traits sur papier, impalpables, où la magie scintillait en 2D et où l'harmonie visuelle était totale. Ce n'est plus le cas en 2014. La route est encore longue à mon sens pour parvenir à rendre les personnages aussi efficaces que les décors.



A mon sens Disney n'a pas hésité à piocher également son influence dans autre histoire de soeurs bien connue : Raisons et sentiments. (Si encore une fois, tu ne connais pas, c'est que tu as raté ton adolescence)  Mariane et Elinor. L'une est romanesque, enjouée, et va s'en prendre plein la gueule, tandis que l'autre tempère ses sentiments et les noie beaucoup trop dans la raison. Bon, sacré petit copier coller, quand même. Mais tellement efficace.

Comparons donc La Reine des Neiges avec ses deux concurrentes directes : Raiponce et Rebelle.
Sur le plan de l'histoire, disons le tout de suite, Rebelle était creux et Raiponce à peine moins.
Non parce que Rebelle n'avait rien de rebelle et devait réparer la plus naïve des bêtises et Raisponce était un peu le faire valoir de l'histoire de Flynn, hein.
La reine des neige, c'est autrement plus romanesque. Plus fort, à mon sens. Pas de roublardise (oh, si peu...) et un vrai lien unique fait d'amour et d'incompréhension entre deux soeurs.

Pourtant Disney surfe pour sa com sur son succès précédent, c'est estampillé de partout "par les créateurs de Raiponce". Non, sans déconner ? On l'aurait jamais deviné, tiens...



Non parce qu'Anna n'est pas sans rappeller sa copine la princesse Raiponce,hein. Aller disons-le, elles sont baties sur le même modèle. C'est les mêmes. On a juste changé la couleur des cheveux, la voix et le caractère.

Je ne te parlerai pas du renne Swen et du cheval Maximus qui sont les mêmes, mais genre vraiment les mêmes.

Ok c'est une tradition chez Disney de se ressembler, toutes les princesses Disney ont en commun de grands yeux et une grosse tête, et si tu mates un peu le style graphique de Robin des Bois, Merlin l'enchanteur et le Livre de la jungle, tu ne trouveras que des ressemblances. Mais bon, quand même !

Si tu te penches sur le style graphique de Rebelle, tu t'apercevras que le design ne ressemble à aucun autre -et c'était là le seul bon point de Rebelle.Du coup, un peu dommage pour Anna.

Alors qu'elles seraient sensées graviter autour du même age, Mérida est plus anguleuse, et ne se maquille pas. Je lui trouve beaucoup plus de relief et d'originalité. Un design nettement plus réussi pour Rebelle, oui, oui, oui.   

Bref.


Encore une fois, dans la pure tradition Disney, nous avons droit à des chansons. Un peu trop nombreuses d'ailleurs, les chansons. Mais certaines sont plutot cool. Je pense notament à " Libéré, délivrée" belle scène d'émancipation où la mélodie qui l'accompagne reste en tête.



Mais aussi à "L'amour est un cadeau", magnifique scène pleine de fraicheur, accompagné d'un sens plutot recherché du coté des paroles.



Evidemment, "Je voudrais un bonhomme de neige" très marquante et très bien faite. Je mets au défi n'importe qui de ne pas se reconnaitre dans la petite Anna qui trouve une porte fermée comme la plupart des enfants qui cherchent quelqu'un pour jouer avec eux.





Moins sympa, mais très touchant, "Le renouveau" exprime bien les différences d'attentes et de destin des deux soeurs. 







Alors oui c'est lourd et parfois ça dégouline de naïveté, mais ohlala Disney, d'où te vient ce talent pour me faire tant pleurer ? Non parce que s'il y a bien une chose qu'on ne pourra jamais te reprocher c'est que toi, comme personne, tu sais surfer sur une émotion. Tu sais la dessiner, lui donner force, lui insuffler la vie, la propager, la distiller dans ma tête et me la faire couler dans les veines, ton émotion. Evidemment, ça s'exprime par le canal lacrimal chez moi (bonne nouvelle, ça n'a pas l'air héréditaire). Mais ce vent de magie là, c'est tellement digne d'un virtuose. Comme si tu savais tout de mon histoire. Comme si chaque année, un de tes personnages interprêtait à la perfection une de mes douleurs ou de mes joies, passées, présentes et futures.

Un bon Disney, ça fait forcément écho à ton histoire. A tes blessures d'enfance, à tes illusions perdues, à tes questionnements d'adultes. Un bon Disney, c'est une bonne rasade de frémissements. Un bon Disney ça te résonne dans tout le corps. Comme si tu allais dans une salle obscure pour respirer un bon shoot d'émotions. Tu souris et tu pleures, tu passes un peu par toute la palette de tes émotions devant cet écran et tu rentres chez toi confiant, le coeur apaisé et gonflé d'optimisme, un peu. Disney se joue de tes émotions. Disney connait toutes tes cordes sensibles. Et Disney sait très bien appuyer là où il faut pour te faire vibrer.

Alors oui, La Reine des Neige est un bon Disney. Un très bon, même.
Ca faisait longtemps que j'avais pas rêvé comme ça. ENFIN. Ca s'était perdu. Mais ça revient. La magie éclatante. Le faste du classique.

Et Cerise sur le gateau. Un vent nouveau sur le modèle classique : la princesse n'a pas besoin du prince charmant. L'histoire d'amour a beaucoup d'importance mais n'est pas centrale. La fin n'a rien de classique. C'est optimiste et ça ressemble à la vraie vie. Et ça nous a TOUS surpris.
Bien joué, Disney. Et merci :)


Ma note : 3.5/5

Si tu veux en savoir un peu plus sur les prémices de la conception : http://artofdisney.canalblog.com/tag/La%20Reine%20des%20Neiges