vendredi 3 janvier 2014

La reine des neiges


Si comme moi toi aussi tu aimais les grandes histoires lorsque tu étais petit enfant naïf et volubile, tu connais sans doute celle de la Reine des Neiges, le plus connu des contes d'Andersen (mais ouiiii, tu connais les contes d'Andersen : Le vilain petit canard, Les cygnes sauvages, Le rossignol et l'empereur, La petite sirène, Le petit soldat de plomb ...). Quoi, tout ça ne te dit rien? Tu ne regardais pas les contes ruskov/danish sur canal J quand tu avais 8 ans ? Putain je suis désolée pour toi, tu as raté ton enfance.

Mais rassure-toi, Disney est là pour rattrapper les dégats. Disney participe à la propagation de la culture populaire. Merci Disney.

Dans la version d'Andersen, ce grand monsieur venu du froid danois qui au passage s'était fait pote avec Balzac et Dickens, la Reine des Neiges est une très belle femme au coeur dur et froid qui vit seule dans son palais d'hiver. Un beau jour, deux enfants sur un traineau échouent par hasard aux portes de sa forteresse de glace. La reine les fait entrer et les deux enfants émerveillés déambulent dans les magnificences du palais, jusqu'à ce que le petit garçon se prenne un éclat de glace droit dans le coeur. Bim son petit coeur. Il se dessèche, se glace, et s'éprend de la reine des neiges. Froid, distant et inanimé, iI devient son serviteur et la petite fille, chassée du palais, ne pourra compter que sur son traineau pour délivrer son ami du mal qui l'accable. 




Tu pourras trouver des tas de variantes à cette histoire. Certaines versions prétendent qu'elle était une sorcière, d'autres prétendent que les deux enfants étaient frères et soeurs, ou encore que c'est un éclat de miroir maudit que le petit garçon se prend dans le coeur. Bref, à boire et à manger.

Alors tant qu'à faire, Disney s'est dit -comme d'habitude- qu'il pourrait réinterpréter le tout à sa sauce. Du coup bim, TRANSFORMATION.

 Les deux personnages principaux sont des soeurs.

On sait pas pourquoi, on sait pas comment, mais l'ainée possède le formidable pouvoir de générer la neige et la glace depuis le délicat bout de ses doigts. Ce qui n'a pas l'air d'inquièter ses parents royaux le Tsar Nicolas II de Russie et sa femme Alexandra (transformés au besoin sous les noms de Souverrains d'Arandale, mais c'est vraiment des copies, hein)

Tout allait bien dans le meilleur des mondes jusqu'à ce que les pouvoirs d'Elsa, soeur ainée, blessent Anna, sa soeur cadette par accident au cours d'un jeu, poussant la future reine des neiges à s'isoler dans sa chambre durant des années, en proie à la peur, dépassée par l'ampleur de sa magie. Le sort s'acharnant sur leur tête, les parents meurent au cours d'un voyage d'affaire, ce qui propulse Elsa directement sur le trône. Et Anna dans la solitude la plus totale.


Ce qui surprend, chez la reine des neige, c'est qu'on a aucune idée d'où l'histoire va nous mener. Entre coups de théâtre et revirements de situations, je trouve la trame de l'histoire plutot bien réussie. Impossible de ne pas vouloir suivre Anna, qui tente le tout pour le tout pour ne pas rompre le lien qui l'unit à sa soeur. Me donnerait presque envie d'en avoir une moi, de soeur.


Parmis les personnages, je dois dire que la qualité est au rendez-vous.




Le prince Hans, bwrahhh une tartinade à lui tout seul de ce qui se fait à peu près de mieux en matière de beau gosse parfait prince charmant.




L'héroïne principale, Anna, débordante de spontanéité et particulièrement attachante entraine facilement le spectateur à sa suite. Dans la plus grande tradition classique Disney, princesse à problèmes existenciels qui prend son destin à bras le corps et met toute son énergie pour les résoudre, il est impossible de ne pas s'identifier à Anna, petite fille seule en mal de compagnie qui attend tout des choses, des gens, et se lance à la découverte de ce qu'est vraiment la vie. Big up pour ses répliques les plus marquantes "C'est le grand amour!!!".




Le pilier de l'histoire, la reine Elsa, pétrie de peur, de tristesse et de solitude, est impressionnante de charisme dès la première demi-heure. Impossible encore de ne pas s'identifier à la jeune fille forte et fragile qui a peur de souffrir et finit par prendre ses propres décisions dans le but de son épanouissement : se casser loin de tout le monde et vivre seule pour mieux se découvrir. Un petit air de méchanceté se glisse parfois dans ses expressions, ce qui rend son personnage franchement crédible et réussi.



L'intrépide Kristoff , le garçon bourru de la montagne au ventriloquisme éloquant lorsqu'il s'agit de faire parler son reine Swen (copier coller de Maximus le cheval de Raiponce) au cours de ses monologues intérieurs. Entre pointes d'humour, de bougonneries, de courage et de radinisme, Kristoff incarne la parfaite flopée d'atouts et de vice décelable chez l'homme en 2014, et  tout me dit que je pourrais croiser ce gars-là au coin de la rue tant son coté guy next door est envisageable hors écran, ce qui rend selon mes critères le personnage efficace.



Olaf le bonhomme de neige qui se veut l'élément humouristique central de l'histoire. Pari réussi notamment par l'absurdité de ses désirs. La douceur et la naiveté de son caractère en font un personnage attachant, cependant les contours du personnage manquent d'un petit quelque chose.


Mais la palme d'or à mes yeux revient à Oaken l'incroyable vendeur du chalet paumé tout en haut de la montagne. Juste PAR-FAIT. En plein dans le cliché, en plein dans la surprise du contrepied au cliché, en plein dans le mile. Oaken, inoubliable. Bravo encore, il mériterait un spin-off à lui tout seul, ce brave garçon.




Le bémol réside à mes yeux dans un foirage total du coté du charadesign. S'il est plutot réussi dans les personnages masculins, vous avez tous surement fait comme moi le parallèle entre la reine des neiges et Barbie au bal des douze princesses. Ou encore Barbie et le palais de diamant. Ou mieux Barbie coeur de princesse. Ou bien Barbie ... Bref vous l'aurez compris. Barbie, barbie, barbie. Ca saute aux yeux et c'est trop. Il y a quelque chose de genant dans le choix de cette référence. Immenses yeux de poupées, chevelure parfaite, nez minuscule et taille mannequin... Du cliché désarmant.
Pourtant, il y avait beaucoup de recherches en amont. Une grande influence de l'oeuvre de Mucha et de son épopée slave. Mais non, ça a fini par ressembler... à Barbie. Je comprends pas. 

 
Inutile de s'attarder sur le design des trolls. De la BD qui sentirait presque le Gaston Lagaff en puissance. Démodé, poussiereux, hideux. A jeter, désolée.

Et Olaf le bonhomme de neige. Caractère charmant, naif et attendrissant. Design difforme, rugueux . Contraste saisissant. Effet utile ? J'en suis loin d'être convaincue.

Si personne ne peut rester de glace face aux décors fascinants de ce film, je ne serais pas de celles qui diraient "c'était mieux avant", au temps où l'on n'avais pas besoin d'images de synthèse dans les dessins animés, parce que pour les décors, c'est faux. C'est bien mieux maintenant. C'est impressionnant, à couper le souffle, d'une minutie extrême, d'un relief epoustouflant. Oui les images de synthèse ont transfiguré le monde de l'animation, et oui c'est une très très bonne chose.







Mais j'aimerais pouvoir en dire autant des personnages. Or, non, je suis désolée, en 2014 on y est toujours pas. On ne sait toujours pas rendre l'être humain dans toute sa singularité à l'écran. L'aspect peau pêche encore sévèrement. La texture peau est indéfendable On dirait de la porcelaine, du carton, du tout ce que tu veux, mais pas de la peau. Et puis les tissus, parlons-en. Le pli des robes bouge tellement peu. Celui des capes laisse de marbre. Ca sent la modélisation numérique à plein nez. Ca sent le jeu vidéo. Eh ouais.




C'est indéniable. Ce qui nous donne des carences en animation, surtout dans les plans larges. Ouhlala, qu'est ce que tu es dure, me dira-t-on. Ben ouais, peut être. Mais moi j'ai grandi dans une époque où les Disney enchanteurs étaient faits de traits sur papier, impalpables, où la magie scintillait en 2D et où l'harmonie visuelle était totale. Ce n'est plus le cas en 2014. La route est encore longue à mon sens pour parvenir à rendre les personnages aussi efficaces que les décors.



A mon sens Disney n'a pas hésité à piocher également son influence dans autre histoire de soeurs bien connue : Raisons et sentiments. (Si encore une fois, tu ne connais pas, c'est que tu as raté ton adolescence)  Mariane et Elinor. L'une est romanesque, enjouée, et va s'en prendre plein la gueule, tandis que l'autre tempère ses sentiments et les noie beaucoup trop dans la raison. Bon, sacré petit copier coller, quand même. Mais tellement efficace.

Comparons donc La Reine des Neiges avec ses deux concurrentes directes : Raiponce et Rebelle.
Sur le plan de l'histoire, disons le tout de suite, Rebelle était creux et Raiponce à peine moins.
Non parce que Rebelle n'avait rien de rebelle et devait réparer la plus naïve des bêtises et Raisponce était un peu le faire valoir de l'histoire de Flynn, hein.
La reine des neige, c'est autrement plus romanesque. Plus fort, à mon sens. Pas de roublardise (oh, si peu...) et un vrai lien unique fait d'amour et d'incompréhension entre deux soeurs.

Pourtant Disney surfe pour sa com sur son succès précédent, c'est estampillé de partout "par les créateurs de Raiponce". Non, sans déconner ? On l'aurait jamais deviné, tiens...



Non parce qu'Anna n'est pas sans rappeller sa copine la princesse Raiponce,hein. Aller disons-le, elles sont baties sur le même modèle. C'est les mêmes. On a juste changé la couleur des cheveux, la voix et le caractère.

Je ne te parlerai pas du renne Swen et du cheval Maximus qui sont les mêmes, mais genre vraiment les mêmes.

Ok c'est une tradition chez Disney de se ressembler, toutes les princesses Disney ont en commun de grands yeux et une grosse tête, et si tu mates un peu le style graphique de Robin des Bois, Merlin l'enchanteur et le Livre de la jungle, tu ne trouveras que des ressemblances. Mais bon, quand même !

Si tu te penches sur le style graphique de Rebelle, tu t'apercevras que le design ne ressemble à aucun autre -et c'était là le seul bon point de Rebelle.Du coup, un peu dommage pour Anna.

Alors qu'elles seraient sensées graviter autour du même age, Mérida est plus anguleuse, et ne se maquille pas. Je lui trouve beaucoup plus de relief et d'originalité. Un design nettement plus réussi pour Rebelle, oui, oui, oui.   

Bref.


Encore une fois, dans la pure tradition Disney, nous avons droit à des chansons. Un peu trop nombreuses d'ailleurs, les chansons. Mais certaines sont plutot cool. Je pense notament à " Libéré, délivrée" belle scène d'émancipation où la mélodie qui l'accompagne reste en tête.



Mais aussi à "L'amour est un cadeau", magnifique scène pleine de fraicheur, accompagné d'un sens plutot recherché du coté des paroles.



Evidemment, "Je voudrais un bonhomme de neige" très marquante et très bien faite. Je mets au défi n'importe qui de ne pas se reconnaitre dans la petite Anna qui trouve une porte fermée comme la plupart des enfants qui cherchent quelqu'un pour jouer avec eux.





Moins sympa, mais très touchant, "Le renouveau" exprime bien les différences d'attentes et de destin des deux soeurs. 







Alors oui c'est lourd et parfois ça dégouline de naïveté, mais ohlala Disney, d'où te vient ce talent pour me faire tant pleurer ? Non parce que s'il y a bien une chose qu'on ne pourra jamais te reprocher c'est que toi, comme personne, tu sais surfer sur une émotion. Tu sais la dessiner, lui donner force, lui insuffler la vie, la propager, la distiller dans ma tête et me la faire couler dans les veines, ton émotion. Evidemment, ça s'exprime par le canal lacrimal chez moi (bonne nouvelle, ça n'a pas l'air héréditaire). Mais ce vent de magie là, c'est tellement digne d'un virtuose. Comme si tu savais tout de mon histoire. Comme si chaque année, un de tes personnages interprêtait à la perfection une de mes douleurs ou de mes joies, passées, présentes et futures.

Un bon Disney, ça fait forcément écho à ton histoire. A tes blessures d'enfance, à tes illusions perdues, à tes questionnements d'adultes. Un bon Disney, c'est une bonne rasade de frémissements. Un bon Disney ça te résonne dans tout le corps. Comme si tu allais dans une salle obscure pour respirer un bon shoot d'émotions. Tu souris et tu pleures, tu passes un peu par toute la palette de tes émotions devant cet écran et tu rentres chez toi confiant, le coeur apaisé et gonflé d'optimisme, un peu. Disney se joue de tes émotions. Disney connait toutes tes cordes sensibles. Et Disney sait très bien appuyer là où il faut pour te faire vibrer.

Alors oui, La Reine des Neige est un bon Disney. Un très bon, même.
Ca faisait longtemps que j'avais pas rêvé comme ça. ENFIN. Ca s'était perdu. Mais ça revient. La magie éclatante. Le faste du classique.

Et Cerise sur le gateau. Un vent nouveau sur le modèle classique : la princesse n'a pas besoin du prince charmant. L'histoire d'amour a beaucoup d'importance mais n'est pas centrale. La fin n'a rien de classique. C'est optimiste et ça ressemble à la vraie vie. Et ça nous a TOUS surpris.
Bien joué, Disney. Et merci :)


Ma note : 3.5/5

Si tu veux en savoir un peu plus sur les prémices de la conception : http://artofdisney.canalblog.com/tag/La%20Reine%20des%20Neiges

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