mercredi 8 janvier 2014

La vie rêvée de Walter Mitty.


Walter Mitty se serait un peu toi et moi dans notre quarantaine exhubérante. En proie à une petite vie bien rangée parfaitement aplanie par les rouages de la routine, genre j'aî un emploi stable, je tiens mes comptes régulièrement, et je fais tout bien comme il faut. Seulement voilà, Walter Mitty a parfois l'impression d'avoir raté quelque chose, à un moment de sa vie, sans trop savoir lequel.

Walter Mitty n'a pas de femme, pas d'enfant, pas même de copine. Juste une mère dont il faut gérer la mise en maison de retraite. Alors voilà, les jours se ressemblent et se succèdent, mais ce n'est pas si grave.

Walter Mitty s'excuse tout le temps et ne s'emporte jamais. Walter Mitty ne sait pas dire non. Quand ses émotions s'ampilent, Walter Mitty se "déconnecte". Il bascule au coeur d'un univers intérieur hautement plus actif, plus volcanique, à l'image de ses désirs les plus spontanés.
Mais là haut, dans les sommets de ses idéaux, Walter Mitty qui, tel qu'il le rêve, ne peut exister, finit toujours par redescendre dans l'âpre monde de la réalité. Et cette année, plus que jamais, rien ne va plus dans la réalité. Alors...

Walter Mitty en a marre. Walter Mitty pete un cable. Walter Mitty saisit son âme. Walter Mitty respire un bon coup : Walter Mitty va enfin oser.

Et toi, petit spectateur, te voici projetté au coeur de la traversée la plus folle de son existence, au cours de laquelle il espère retrouver le négatif 25 ainsi qu'une partie de son lui qu'il s'était laissé dérober toutes ces années. 





Ne me mens pas. Tu ne peux PAS me dire que tu ne te reconnais pas dans ce personnage de M. Tout-le-monde qu'est Walter Mitty. Personne sur terre ne peut échapper à toutes ces petites looses du quotidien, à ce sentiment que le controle de sa vie nous échappe, à ces doutes existenciels qui jalonnent le parcours de son existence.

Si tu es dans les années de la vingtaine comme moi, tu as peut-être peur toi aussi de perdre de vue tes objectifs, ton feu sacré, au fil de ces années qui passent tellement vite. Tu as peut-être peur toi aussi d'avoir la sensation d'ouvrir d'un coup les yeux et de se contempler la quarantaine galopante dans un miroir, avec l'horrible impression que vingt ans se sont passés en vingt secondes et que tu as laissé ta vie dériver vers un charmant fiasco que tu ne pourras plus jamais réparer.

Ben Stiller, aux commandes de ce film, s'est inspiré de la culture littéraire anglo-saxonne. Et oui, chez nos amis des States, un Walter Mitty c'est un peu un rêveur de base sans trop d'avenir qui ne triomphe jamais des défis de la vie et préfère se peletonner dans son intériorité fantaisiste. L'amérique semble n'avoir que du mépris pour les Walter Mitties. Le terme vient de la plume de James Thurber, et si tu veux trouver des informations sur cette nouvelle je te souhaite bon courage parce qu'elle date de 1939, imprimée dans le New Yorker puis publiée sous le nom de My World and Welcome to It, alias La vie secrète de Walter Mitty, éditée une fois en France, puis à jamais disparue du petit monde de l'édition, bref en un mot, absolument inconnue de nous, les ptits frenchies.

QQn a eu l'idée d'en faire un film en 1947, et s'est largement éloigné du propos initial du roman, tout comme l'adaptation de Ben Stiller dérive complètement de ce qu'avait ficelé James Thurber.
Mais je dois te dire, sans déconner. Bravo Ben Stiller. Non parce que ce personnage des années seconde guerre mondiale, tu as largement su le transposer dans notre frustrant quotidien parsemé des enjeux contraignants du 21ème siècle. 

Walter Mitty c'est un miroir de notre nous-même. Un puis de toutes nos hésitations, nos aspirations, nos frustrations, nos déceptions, nos questionnements, nos doutes. Un parangon social, un peu comme un  bouquin de développement personnel qui nous indiquerait volontiers la marche à suivre.
Car Walter Mitty s'ouvre, s'affronte et n'a plus peur. Plus peur de vivre, plus peur de dénoter, plus peur de s'épanouir et d'oser peut être le plus grand défi de notre temps : être soi-même.






Ben Stiller a trouvé pour son interprétation dans ce film un bon dosage. Tour à tour sérieux puis drôle, et touchant, je pose pour la première fois un regard charmé, interessé, curieux sur le bouffon de Mon beau père et moi et la La nuit au musée. Une nouvelle corde à son arc, une nouvelle étiquette à pourvoir. En tant qu'acteur aussi, Congratz, Ben Stiller.

Sean Penn, pilier central de l'histoire autour de qui le parcours de Walter Mitty se noue, incarne un extraordinaire personnage hors du temps, estète parmis les hommes, au mode de vie incroyable, interprêté avec beaucoup prestance, à l'image du charisme inébranlable de l'acteur. 
Adam Scott, acteur américain peu connu dont le répertoire est pourtant jalonné de nombreux films , signe peut être ici son accès vers la renommée tant son interprétation du patron requin hipster pourrit jusqu'à la moelle se fait remarquable.

Kristen Wiig, visage connu mais on ne sait pas trop d'où, peut se vanter de crever l'écran dans ce film. Tellement jolie, attachante, débordante de gentillesse. Si j'étais un mec, je la voudrais tellement, cette Cheryl Mellof, pour ce coté pétillant, aventureux, comme si les contours de l'existence étaient touchables du doigt aux cotés d'une femme de son calibre. Bon en tant que fille, je sais que ce personnage n'est qu'une projection peu réaliste des idéaux d'un homme chez une femme, car Cheryl Mellof en a franchement assez bavé dans sa vie pour ne jamais quitter ce sourire colgate et cet optimiste rayonnant.

Ben Stiller, ton film s'articule aussi autours d'une sacré réflexion érigée du monde professionel dans les années 2013-2014, héritière de cette fucking crise financière 2008 dont les pays occidentaux peinent encore à se relever. Et bravo pour ce portrait, tour à tour angoissant, puis rassurant, mais au font très réaliste de ce que peut nous apporter/causer, la vie de bureau. J'en ai à la fois tellement peur et tellement hâte.

Dès les premières scènes, tu donnes à ton film un sens du graphisme plutôt réussi, avec des apparition intempestives de typographies bien menées. Ah oui et tu as bien choisi ta typographie. Et tu sais ce qu'on dit, quand la typographie est bien choisie, le film est plutôt réussi. [mauvaise foi de graphiste, un jour, mauvaise foi de graphiste toujours.] Non vraiment, le petit coté artistique so fresh dans les prises de vue inattendues est très agréable.

A saluer, la bande son qui est franchement de qualité. Tu peux l'écouter sur deezer mais si tu n'en as rien à carrer n'as pas le temps, jette un coup d'oeil à cette petite perle musicale qui correspond à mon passage préféré.



Etonnement, je trouve la sauce américaine habituelle assez peu présente (pour mon plus grand bonheur) et l'originalité de l'histoire ainsi que du personnage très déconcertante. Dans ses moments de déconnexion Walter Mitty voit ses désirs hors de portée lui donner autant de plaisir que le frustrer. Même si je dois dire, que les désirs de Walter Mitty, empreints de gloire et d'héroïsme restent des désirs valoratifs principalement sur l'échelle sociale, un peu comme si son jardin intérieur manquait de richesse personnelle, uniquement fondé sur le prestige social. C'est aussi ce que j'aime dans sa quête et dans le message de Sean Penn : fuck off la pression sociale, ma vie je la dessine à l'ancre de mes propres désirs qui ont une couleur qui m'appartient personnellement.

Mais moi, ce qui m'a soufflée dans tout ça, c'est la force visuelle de ce film, avec la beauté de ses paysages à couper le souffle. L'effet que donnent ces images rares de destinations qu'on a pas l'habitude de voir sur les écrans ni ailleurs. Le rythme qui s'accelère, ce Walter Mitty qui se lance et se relève, c'est beau, la contemplation d'un moment qui compte. C'est fort et ça inspire, comme une déferlente d'énergie qui envahit ton corps et t'embarque, toi et tes atomes, à la recherche de tes limites, quelque part à l'autre bout du monde occidental.

Bref, la vie rêvée de Walter Mitty s'adresse à tout le monde, (même aux beaufs !) de par ce thème universel et sa manière artistique de l'aborder. Tu n'es pas obligé de te payer le luxe d'observer le pas de géant de Walter Mitty sur grand écran, tu peux aussi te mater ce film un dimanche soir sur ta télé avec une tasse de thé fumant, effet garanti sur ton lundi grisant.
 
Car tu ressors de ce film avec la gorge pleine d'une grande bouffée d'optimisme, avec la vive envie de tout plaquer, de tenter un truc de ouf, de balancer ton confort à la poubelle, de voyager putain, jusqu'aux confins du monde, de garder en tête que si c'est pas maintenant, tu ne la perds pas de vue, la perspective de ta future aventure extraordinaire.
 
Un charmant moment de cinéma qui aurait tendance à rester en tête. Un peu comme si Ben Stiller avait eu envie d'envoyer un message à tous les Walter Mitty du monde : Viens vivre tes rêves, là, maintenant, tout de suite, car il est temps.


Ma note : 3.8/5


Check la bande annonce :


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