samedi 28 juin 2014
La piel que habito
Je n'essaierai pas de te présenter Almodovar. Parce que même si tu as autant de culture ciné que moi de culture foot -c'est à dire, aucune- tu as entendu parler de Pedro Almodovar, le plus connu de tous les esthètes espagnols.
Pedro, la machine à produire du cinéma d'auteur tous les deux ans.
Pedro et son répertoire prolifique, Pedro qui s'arrange toujours pour sortir son nouveau film pendant le festival de Cannes et de rafler une palme d'or ou autre...
Le grand Almodovar aime bien ce qui est sombre et torturé. Ça, on savait.
Brosser le portrait d'un bonheur échelonné, pour en percer la coquille couche par couche, et se glisser lentement le long de la faille, faire tomber une à une les certitudes, puis insinuer le doute, le trouble, explorer les vicissitudes psychologiques des constructions sociales, ça Pedro il sait faire, et il le fait bien.
Mais ce coup-ci... Ce coup-ci Pedro a fait fort.
Pedro s'essaye à l'épouvante. Et Pedro y reussit bien. Mais pas l'épouvante au sens Scream ou L'exhorciste. Non, tu n'auras pas peur devant La piel que habito, car ce n'est pas un film d'horreur. Mais je gage que tu seras épouvanté, et même perturbé, le jour suivant le visionnage de ce film.
On était plutôt habitués à ce que les films d'Almodovar parlent de femmes. La figure maternelle toute puissante, la plus jeune, leurs interactions, leurs constructions, leur limites.
Mais cette fois ci, c'est plutot des histoires d'hommes. Celle d'un homme, en particulier.
Roberto Ledgard (Anthonio Banderas. Bandeeeeraaas !), chirurgien plastique-esthétique confortablement installé sur les hautes marches de l'échelle sociale, jouit d'une bonne situation ainsi que d'une bonne réputation auprès de la communauté scientifique. Aussi, lorsqu'il présente son nouveau projet, la conception d'une nouvelle peau, plus résistante, greffable aux grands brûlés, la nouvelle est accueillie favorablement.
Sauf par ceux qui le connaissent.
Car Roberto ne fait pas partie de ceux qui s'encombrent de scrupules. D'ailleurs, en pénétrant dans sa chambre, on ne peut rater cet écran géant sur lequel cette jeune femme enchaine les positions de yoga, prisonnière quelquepart dans une pièce de la grande maison.
Dès les premières images, on sent qu'il se trame quelque chose. Esthétique aceptisée, corps graphiques marqués au bistouri, et puis cette femme, dans ce juste-au-corps, aux mouvement si gracieux. Le malaise ne te gagne pas, c'est juste intriguant, mais tout te dit qu'il y a un iceberg là dessous. Et bingo, c'est un peu ça.
On traite ici de la folie, de l'obsession, de la faiblesse, des rapports de forces et de vengeance, de ce qu'en pense la figure de la mère impuissante.
Tout est flou, accepté. L'effroi tient du fait que les horreurs sont déclamés de la manière la plus calme possible, comme si la situation était naturelle.
Bref, le charme opère. Comme à chaque fois.
Antonio Banderas - mais quelle classe, mais quel charisme-, tellement parfait dans ce rôle de l'homme trouble et sans limite qui dédia sa vie à la figure de la femme. De beaux yeux noirs, un regard profond, et la température augmente dans ton salon. Il te vient des envies d'Espagne. Caliente. Et si on se faisait une soirée tapas demain ? Et si on se prévoyait un ptit week end à Barcelone? Et si je lui arrachais tous ses vêtem... Bref.
Elena Anaya, visage inconnu chez nous les ptit frenchies, mériterait de l'être. Bravo pour son coté coulant, fragile, pour son interprétation parfaite de -SPOIL, j'ai pas le droit de le dire- et pour sa sensualité remarquable, qui lui ont valu le Prix Goya de la meilleure actrice 2012. J'adorerai habiter ta peau.
Jan Cornet, si t'es pas traumatisé après ça... Tu peux te servir de ton prix Goya du meilleur espoir masculin 2012 pour pousser les autres acteurs et te faire un peu une place dans ce monde impitoyable.
Si tu le traduis à l'aide de tes deux notions d'espagnol, le titre te met sur la voie. "La piel que habito : la peau que j'habite. "
Alors, qui habite sous cette peau ?
Certainement pas qui tu croyais.
Bon boulot Almodovar. Tu l'as bien mérité la palme d'or 2011.
Moi j'ai juste adoré.
PS : Pedro avoue avoir puisé son film d'un livre, "Mygale", de Thierry Jonquet. A lire bientôt.
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